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La productivité de l’agriculture bio en question

Aujourd’hui, on s’attaque à une question qui divise : la productivité de l’agriculture bio. En effet, lorsqu’à l’apéro, vous apportez du pain au levain bio pour accompagner une bonne terrine, un débat houleux peut s’annoncer. C’est bien sympa pour la planète de vouloir manger bio vous dira-t-on, mais ce n’est pas comme ça que l’on arrivera à nourrir les 10 milliards de bouche affamées qui peupleront la Terre en 2050. D’ailleurs, si la Chine a réussi à se développer, c’est bien grâce à la Révolution Verte et à l’industrialisation de l’agriculture surenchériront d’autres. Oui mais alors, qui a raison ? L’agriculture bio, bien que défendable éthiquement, n’arriverait-elle en effet pas à produire autant que l’agriculture conventionnelle ?

L'agriculture conventionnelle plus productive...

De très nombreuses études se sont penchées sur cette question de la productivité de l’agriculture bio et conventionnelle. En 2012, une méta-analyse [1] indique qu’en moyenne, les rendements des productions biologiques sont 20 à 25 % inférieurs au conventionnel, avec de grandes disparités selon les cultures : l’écart ne serait que de 3 % pour les légumineuses mais de 40 % pour le blé. Cependant, ces études pointent que ces écarts de productivité dépendent largement des pratiques agronomiques. Ainsi, les parcelles d’agriculture biologique pratiquant la polyculture et la rotation des cultures auraient des rendements inférieurs de seulement 8 à 9 % à ceux de l’agriculture conventionnelle [2]. Dans les régions où produire de la nourriture est difficile, les méthodes de culture agroécologique sont même plus efficaces que le recours aux engrais et aux pesticides et permettent d’augmenter les rendements d’en moyenne 80% [3] ! De plus, ces études soulignent que si les rendements de l’agriculture bio peuvent être, du point de vue des données brutes, plus faibles qu’en agriculture conventionnelle, les variétés d’agriculture bio sont davantages résistantes aux agressions et aux conditions climatiques extrêmes. Ainsi, les années de sécheresse, les cultures de maïs et de soja biologiques sont 30 % plus performantes que les conventionnelles3. A bien garder en tête dans un contexte de changement climatique !

...mais à quel coût ?

On le voit donc, si a priori l’agriculture conventionnelle serait plus productive, cela dépend largement du contexte et des méthodes agronomiques. Qui plus est, les études sur les rendements de l’agriculture ne s’intéressent qu’à un seul critère pour mesurer la productivité d’une culture, à savoir les quantités récoltées sur une surface donnée. Quid des coûts au regard des quantités produites ? Lorsque c’est toute la chaîne de production de nos aliments qui est prise en compte - coût énergétique des machines, du matériel, des engrais et des pesticides utilisés - l’agriculture conventionnelle devient alors moins productive que l’agriculture bio. Pire, aujourd’hui, l’agriculture industrielle produit à perte d’un point de vue énergétique puisque chaque calorie d’énergie alimentaire nécessite 7,3 calories d’intrants en énergie4. L’agriculture conventionnelle puise ainsi dans des réserves d’énergie - le gaz et le pétrole - s’étant constituées sur des millions d’années. L’agriculture bio, elle, lorsqu’elle est conduite sur de façon non industrielle, sur petites surfaces, avec une faible mécanisation et peu de recours au plastique, nécessite 45 % d’énergie en moins que l’agriculture conventionnelle [3]. Notons ici qu’une agriculture bio industrielle - monoculture, forte mécanisation, utilisation de serres chauffées, etc. - sera également très gourmande en énergie, même si elle n’a recours à aucun pesticide ou engrais. Nous en reparlerons prochainement dans un futur article !

Les externalités dans la balance

Enfin, l’agriculture conventionnelle est source de nombreuses externalités négatives : pollution des cours d’eau, érosion des sols, perte de biodiversité, dégradation de la santé des agriculteurs, qui, si elles étaient prises en compte dans le coût final des produits, réduiraient considérablement l’intérêt de ces cultures. En Grande-Bretagne, le coût de ces externalités est estimé à 1,96 milliards d’euros par an [3]. Par ailleurs, puisque l’agriculture conventionnelle est peu respectueuse de l’environnement et épuise les ressources nécessaires à la production végétale, elle est d’année en année moins productive. D’après le Rodale Institute, la productivité d’une parcelle cultivée en conventionnel est équivalente celle d’une parcelle en bio après trois années de cultures [5]. L’agriculture bio, elle, s’appuyant sur les services écosystémiques tels que la prédation naturelle des agents pathogènes ou l’utilisation de compost peut à l’inverse être bénéfique pour son environnement : recharge des eaux souterraines, amélioration de la qualité des sols, création de refuges de biodiversité, etc.

Pour conclure et définitivement vous rassurer quant à la productivité de l’agriculture bio et sa capacité à nourrir tous les humains, rappelons enfin qu’aujourd’hui, un tiers des aliments produits dans le monde est perdu avant d’atteindre notre assiette ou gaspillé [6]. Ainsi, nourrir la planète est aujourd’hui principalement une affaire de rationalisation des processus productifs et de réduction des gaspillages. Chez Cultures et Compagnies, il n’est pas question de gaspillage liés au transport et à la vente en magasin : les légumes sont cueillis sur site à maturité et distribués en main propre aux collaborateurs !

[1] de Ponti, T., Rijk, B., van Ittersum, M., “The crop yield gap between organic and conventional agriculture”, Agricultural Systems, Volume 108, Avril 2012, pages 1 - 9 Seufert, V., Ramankutty, N., Foley, J., “Comparing the yields of organic and conventional agriculture”, Nature International Journal of Science, 2012

[2] Le Hir, P., “L’agriculture biologique, plus productive qu’on ne le pense”, Le Monde, 2014

[3] Dion, C., “Le bio est-il moins productif ?”, Kaizen, numéro 10, 2013

[4] Servigne, P., Nourrir l’Europe en temps de crise. Vers des systèmes alimentaires résilients, Editions Nature et Progrès Belgique, 2014

[5] https://rodaleinstitute.org/why-organic/organic-faqs/

[6] Save Food, Initiative mondiale de réduction des pertes et du gaspillage alimentaires

Chauveau, L., “Le bio peut-il nourrir le monde?”, Sciences et Avenir, 2016