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Dépolluer nos sols grâce à la phytoremédiation

Seules 11 % des terres de la planète [1] sont propices à l’agriculture. Cela semble peu, n’est-ce pas ? En effet, les 89 % restantes sont trop humides, trop sèches, trop pentues - bref, trop compliquées à exploiter en vue d’une production agricole. Traditionnellement, sur certaines de ces terres ingrates, l’on faisait paître les animaux plutôt que de planter des graines - pensons aux alpages alpins - et “récoltions” de la viande ou du fromage !

Des moutons en train de paître et brouter dans la montagne

Les terres arables sont donc extrêmement précieuses, d’autant plus dans un contexte d’augmentation de la population mondiale - d’après l’ONU, nous serons 9,7 milliards d'individus en 2050 - et de changements climatiques rendant les récoltes plus instables. Le problème, c’est qu’aujourd’hui, nombre des sols propices à l’agriculture sont contaminés et donc impropres à faire pousser des aliments... comment en est-on arrivé là ? Et que faire ?

Pourquoi nos sols sont-ils contaminés ?

Ce sont les activités industrielles, agricoles et urbaines qui sont à l’origine de la contamination des sols. L’agriculture conventionnelle laisse sur son passage des restes de produits phytosanitaires et d’engrais, tels que le phosphore et l’azote.

Par exemple, dans les Antilles françaises, 16 000 hectares de terres sont pollués au chlordécone, une molécule qui utilisée comme insecticide. Celle-ci s’accumule dans le sol puis en ressort très lentement, venant contaminer les milieux terrestres et marins des centaines d’années durant. En fin de compte, cette molécule se retrouve dans notre assiette et nous contamine à notre tour : 90 % de la population antillaise serait ainsi contaminée et le produit serait responsable de l’explosion du nombre de cancers de la prostate [2].

Une usine à proximité d'espaces verts

Les activités industrielles et urbaines, elles, sont responsables des pollutions aux hydrocarbures (gasoil, kérosène, etc.), aux solvants, aux métaux (cuivre, fer, etc.), aux non-métaux (bore, arsénic) et aux radio nucléides (nickel, uranium, etc.).

Par exemple, dans le Nord-Pas-de-Calais, les sols sont pollués au cadmium et au plomb du fait de l’industrie métallurgique, et ceci au-delà des seules limites des usines. C’est d’ailleurs bien cela le problème avec la pollution des sols, c’est que les éléments polluants ne sont pas inertes : au fil du temps, ils se répandent dans les eaux, sont assimilés par les plantes, puis consommés par les animaux, et in fine contaminent les hommes parle biais de l’alimentation.

Alors que faire ?

Traditionnellement, on avait recours à divers procédés physiques ou chimiques pour nettoyer les sols. Le problème, c’est que ceux-ci sont coûteux et parfois également nuisibles pour l’environnement ou la fertilité des sols. Depuis les années 80, une autre façon de dépolluer les sols a émergé : la phytoremédiation. Celle-ci consiste à utiliser les plantes et leur capacité d’absorption pour extraire et dégrader les polluants des sols. L’avantage de la phytoremédiation, c’est qu’elle est économe en énergie, se basant uniquement sur l’énergie solaire puisée par la plante. En outre, à l’inverse des composants chimiques, l’utilisation de plantes n’altère pas la fertilité des sols. Elle peut donc s’appliquer à de très grandes surfaces, là où il serait difficile de faire intervenir des procédés chimiques ou physiques.

Les différents procédés de phytoremédiation

La phytoremédiation embrasse une multitude de procédés différents, que l’on peut regrouper selon quatre catégories :

1. La phytostabilisation

Elle consiste à stabiliser le sol en y implantant un couvert végétal. Le terrain étant alors moins sujet à l’érosion, cela limite le risque de transfert des éléments polluants vers d’autres milieux comme l’eau ou l’air.

Par exemple, les talus de voie de chemin de fer sont un bel exemple de phytostabilisation, et c’est pour cela qu’il ne faut pas aller ramasser des mûres en bordure de quai, elles y sont gorgées de polluants !

2. La phytodégradation

Il s’agit de stimuler l’activité biologique, et en particulier celle des champignons, au niveau de la racine des plantes, pour dégrader les polluants organiques. Cette technique est surtout utilisée pour traiter de larges surfaces peu contaminées.

3. La phytoextraction

Cette technique mobilise aussi les plantes, qui vont puiser les polluants dans le sol via leurs racines puis les stockent dans leurs feuilles. La renouée du japon avec les métaux lourds, la berce ou l’ortie avec les nitrates, sont ainsi bien connues pour être hyper-accumulatrices d’éléments par rapport à d’autres espèces végétales.

Phytoremédiation possible par les plantes - Comparaison des activités accumulatrices des plantes hyperaccumulatrices, mesurées en concentrations de cadmium dans les feuilles

4. La phytovolatilisation

Elle se fonde sur la capacité de certaines plantes à métaboliser les polluants, et non pas de simplement les stocker comme dans le cas de la phytoextraction. Par exemple, les plantes de type astralagus sont capables de métaboliser le sélénium en diméthylsélénide. Une fois métabolisés, les polluants peuvent alors être volatilisés.

Et les plantes, elles deviennent quoi ?

A terme, une fois que les plantes ont rempli leur rôle de dégradation, d’accumulation ou de métabolisation des polluants, elles peuvent être re-valorisées - compostage, eco-matériaux, méthanisation, bio-carburants, etc. Par exemple, le saule, arbuste à croissance rapide utilisé pour extraire le cadmium du sol, peut être revalorisé en bois de chauffage[3].

Ainsi, il est réconfortant de savoir qu’un sol pollué n’est pas irrémédiablement perdu et peut tout à fait, grâce à un plan bien cadré de phytoremédiation, être de nouveau mis en culture pour nourrir les femmes et les hommes. Chez Cultures et Compagnies, nous nous attachons à mettre en place ce type de dispositifs chez nos clients qui ont pu être victimes, sur leurs sols, de pollutions industrielles. Cela permet à la fois de régénérer les terres disponibles tout en offrant une production de légumes biologiques aux usagers environnants !

Plus largement, le principe de la phytoremédiation est intimement lié à celui des plantes bio-indicatrices. Il postule que les plantes, en poussant naturellement à un endroit donné, nous donnent de précieuses indications sur la nature des sols. Mais nous parlerons de ce pouvoir spontané des plantes à compenser certaines carences ou excès de la terre dans un prochain article !

[1] Morel, J.-L., “Phytoremédiation des sols contaminés, des plantes pour guérir... les sols”, La chimie et la nature

[2]  “Le chlordécone menace la santé des antillais, pour longtemps”, Sciences et Avenir, 17.09.2018

[3] Bert, V., “Les phytotechnologies appliquées aux sols et sites pollués”, ADEME, 2012